La Vraie Histoire de Jayavarman 7 et de ses 2 Reines-Epouses

Enquête de Denis Richer accompagné par Dominique Thollon

Grâce au site internet de Ms. Phalika (www.phalikan.com) qui m’a été transmis par des amis connaissant ma passion pour le site d’Angkor et l’intérêt particulier que je porte, depuis 14 ans, à l’énigme de Jayavarman 7,
je puis dorénavant affirmer que cette énigme est levée.

Comment, par quoi et pourquoi ?

Le site de Phalika traitant de Jayavarman 7 et de ses épouses-reines, que je n’avais pas, moi non plus, identifiées, éveilla toute mon attention et ma curiosité naturelle fut immédiatement piquée au vif.

Accompagné par Dominique Thollon, sculpteur et dernier conducteur de chantier du Baphuon, jusqu'à sa restitution au Roi du Cambodge en Juillet 2011, ( c’est à lui que nous devons entre autres la réussite du vieillissement des pierres remplacées) je me suis rendu sur les lieux afin de vérifier méthodiquement, sculpture après sculpture, fronton après fronton, bas-relief après bas relief, les affirmations de Phalika.

Au bout d’un mois d’investigations méticuleuses, nous n’avions réussi à découvrir qu’un tiers des preuves dévoilées dans ses articles.

Et pour cause, cette dernière avait consacré 3 années à rechercher et à étudier le cas Jayavarman 7 et celui des ses épouses, que personne encore n’avait su découvrir et identifier comme une Triade à part entière que ce soit sur les bas-reliefs du Bayon, dans le labyrinthe du Naraka (improprement appelé la Terrasse du Roi Lépreux ) sur les frontons de Ta Som, de Ta Prohm et sur d’autres structures à Preah Khan et à Banteay Kdei !

Pour trouver les 2/3 manquants, nous avons dû faire appel à l’aide de Phalika.

Le dimanche 29 Janvier 2012, nous nous sommes donc rencontrés pour une longue et passionnante journée d’enquête dans les temples précités, sur les traces de Jayavarman 7 et de ses 2 reines définitivement et magistralement identifiées comme reines et épouses, par une foule de détails irréfutables que nous pointait notre guide et chercheuse, après qu’elle nous eût dispensé une nécessaire initiation visuelle.

Le Roi Jayavarman 7, reconnaissable entre autres à sa fine moustache, porte sa couronne de prédilection “triconique” aux cônes non-alignés (les deux cônes latéraux étant plus petits et inclinés à 45°) ; à Preah Khan, au niveau du plexus : le trident, marque de son pouvoir, qu’il maintient fermement entre ses mains et dont le manche repose sur un support, ou, par ailleurs : son épée, qu’il garde dans sa main droite. C’est sans doute au Bayon sur les bas-reliefs où le Roi trône, semble-t-il en pleine audience, que l’on peut l’identifier à coup sûr car porteur de tous ses emblèmes et insignes royaux. Ainsi : la couronne triconique, les colliers et bracelets, la ceinture ornée de feuilles en pendeloques cintrant un tablier relevé en aileron sur la hanche droite. Il porte souvent un glaive dans la main droite, signe de puissance. Il est presque toujours entouré de ses reines-épouses démontrant la place prépondérante que doit être la leur et le rôle majeur qu’elles jouent.

À sa gauche, la plus jeune : Jayarajadevi, sa première épouse qui règne à ses côtés et partage de son vivant, cette place privilégiée avec sa sœur aînée. Visage rond, nez court et fin, yeux bridés, sourcils épousant leur forme et ne pouvant être confondus avec ceux des apsaras de style hindou qui sont sculptés en forme d’accolade et d’un seul tenant en général. Un bras le long du corps et l’autre replié vers l’épaule en une gestuelle caractéristique évoquant les mudras de la bienvenue et du rejet de la crainte. Sa couronne est formée de 7 pointes au moins, son cou est rehaussé d’une riche parure ressemblant à un collier composé de plusieurs rangs de boules d’or, terminant sa ronde vers le bas en une sorte de baudrier séparant les seins. Le sampot est plus large, moins cintré que celui des apsaras ; l’étoffe, finement décorée se pare d’un revers en queue de poisson du plus bel effet.

À sa droite, la plus âgée : Indradevi, sa seconde épouse (elle passera à gauche du Roi à la mort de sa jeune sœur ). Visage ovale au menton marqué d’une fossette, nez effilé, de grands yeux en amande surlignés de sourcils incrustés, à Preah Khan seulement, de pierres précieuses sans doute. Ce sont là les différences physiques évidentes qui dépeignent les 2 sœurs régnantes. Leurs mudras demeurent invariables et leurs atours sont les mêmes : couronne, pendentifs, parure du tour de cou, baudrier et sampot.

Tant qu’elles règnent ensemble auprès de leur époux Jayavarman 7, la première épouse : Jayarajadevi, la plus jeune des sœurs, se positionne toujours à la gauche du Roi, (protocole oblige ), tandis que la seconde épouse, sa sœur aînée Indradevi, se positionne à droite. A la mort de Jayarajadevi, sa sœur Indradevi prend naturellement la place à gauche du Roi.

Partout où l’on rencontre cette triade, que ce soit au Bayon, au Bassin Royal, à Angkor Thom, au Naraka… ce positionnement reste pratiquement inchangé. Le Roi se trouve bien évidemment au centre, quasi toujours accompagné des 2 reines, signifiant ainsi à son peuple et aux différentes Ambassades, le rôle essentiel que le Mahayana accorde aux femmes et la place privilégiée que lui-même leur donne en les disposant systématiquement auprès de lui. Les bas-reliefs du Bayon nous les montrent, enseignant aux étudiants et se mêlant des affaires militaires et politiques (ne sont-elles pas présentes parmi les brahmanes ?).

Pourquoi donc, alors qu’une lecture objective et méticuleuse, rend flagrante et évidente cette triade mahâyânique, les successeurs de Jayavarman 7, malgré son décès et celui d’Indradevi, se sont-ils donnés tant de mal afin d’éradiquer les reines-épouses ?

La réponse est simple: même mortes, elles dérangeaient encore le pouvoir à nouveau brahmanique, pas encore prêt à accepter une place trop importante des femmes auprès de l’autorité masculine. Epouse: oui, régnante: non!

En fait, elles déstabilisaient l’organisation sociale séculaire brahmanique reposant sur la division en castes héréditaires, établie bien avant Jayavarman 7 et que celui-ci voulait bousculer, voire provoquer en sculptant la Trimurti brahmanique faisant allégeance au Bouddha, et en instaurant le Mahayana en tant que religion d’état ; cette dernière prêchant l’égalité entre les êtres, Jayavarman 7 l’applique en tant que véritable institution de sa politique.

Les bûchages du 13ème siècle allaient bien plus loin qu’une transformation des effigies du Bouddha en une représentation issue du panthéon hindouiste, cette "transformation" attestait l’iconoclasme, car elle oblitérait l’histoire d’un Roi et bafouait ses aspirations à redonner aux femmes la place qu’était la leur effectivement avant l’établissement de la doctrine brahmanique.

Voilà, cet article s’interrompt pour un temps, afin de laisser toute sa place au développement de l’enquête conduite avec brio par Phalika, sur les empreintes de Jayavarman 7, d’Indradevi et de Jayarajadevi.

Nous tenons à exprimer à Ms. Phalika, notre admiration pour cette longue et fructueuse étude qui déroule encore un peu plus le fil d’Ariane vers la sortie du labyrinthe de nos questionnements. Une torche supplémentaire vient d’éclairer un pan d’obscurité. C’est à présent au public d’apprécier, aux chercheurs de reconsidérer – il suffit souvent simplement, de savoir regarder et voir ce que des générations de "Maîtres" ont ordonné à leurs sculpteurs de raconter sur leur œuvre. De nombreuses énigmes se dissimulent encore, mais prêtes à se dévoiler, pour peu que l’enquêteur accepte de revenir sur les sentiers battus.

“ Notre esprit est pareil à un parachute, il fonctionne au mieux quand il est ouvert. ”
– Tenzin Gyatso ( 14ème Dalaï Lama )

Denis Richer
A gauche: Denis Richer et Dominique Thollon à Angkor Thom. A droite: Denis et Dominique à Banteay Chhnmar le 26 Février, 2012.
  • D. Richer
  • D. Thollon

♦ Au cours de ces 20 dernières années, dans le cadre de son association “Pays perdu” , Denis Richer a travaillé auprès des Indiens d’Amazonie du Brésil : programme interculturel bilingue.

o 2 documentaires dont “une école chez les yanomami ”

o 1 livre : Pays perdu, plusieurs fois primé

♦ Au Tibet Occidental : hivernage et tournage d’un documentaire “Karsha ou la rivière gelée” nombreuses fois primé et largement diffusé sur toutes les chaînes de télévision.

♦ Au Cambodge depuis 15 ans, toujours dans le cadre associatif, il a réalisé le dictionnaire Français-Khmer (en phonétique) de 20,000 mots. Outil de référence et nécessaire aux ONG, entreprises…désireuses d’acquérir rapidement les mots suffisants à la conversation.

o Il a élaboré, sur la base de documents, un livre vulgarisant l’histoire de la restauration des temples d’Angkor, à travers les événements politiques du Cambodge. (Présentation originale à l’intention des visiteurs du pays.)

o Consultant auprès de plusieurs ONG, dont MSF durant la mise en place du programme SIDA, par le Docteur D. Laureillard et son équipe.

o Il a aussi enseigné le Français et l’Anglais pendant 7 ans à la demande du Vénérable de la pagode de Vat Bo ainsi qu'au CMAC, service de déminage, à la demande des cadres de l'armée française, de la province de Siem Reap.

o Il a organisé des cours d’initiation au patrimoine et participe toujours aux examens des guides d’Angkor.

o Il travaille actuellement à l’élaboration d’un système lexical multilingue, par le biais de la construction de dictionnaires bilingues, ciblé sur les langues peu informatisées d’Asie du sud-est (programme CNRS_MICA_TC_LP…). Projet Mot à Mot – Valofrasse.

♦ Grand voyageur, autodidacte, sa probité plus que sa notoriété ou sa culture, donne peut-être à son article et à l’étude de Ms. Phalika, un caractère d’honnêteté et d’objectivité qu’on ne saurait dénier.

comme son père et son grand-père est sculpteur et specialist de la pierre. On luit doit entres-autres: Vent de Bout,sculpture monumentale de la Grande-Motte. Ses nombreux voyages l'ont ouvert aux cultures du monde et lui ont permis de s'integrer rapidement au sein d'un groupe de sculpteurs Cambodgiens.

Jusqu'à sa restitution au Roi du Cambodge en Juillet 2011, il était pendant 5 ans le conducteur de travaux du Baphoun.

Son prochain chantier sera définitivement sur le sol Cambodgien.

À suivre :
"Toujours plus avant dans la vraie histoire de la triade royale"
Banteay Chhmar: " À livre ouvert "